les Cités obscures vues par Erik Orsenna
les Cités obscures vues par Erik Orsenna Avouons-le, la perspective de la mort n'est pas délicieuse. Mais pire encore, peut-être, est cette assignation à résidence dans une seule vie, la nôtre. Pourquoi n'avons-nous pas le droit imprescriptible de sauter d'existence en existence et d'y prendre chaque fois le meilleur? C'est dire si je chéris ceux qui ouvrent, dans le soi-disant "réel", des portes sur d'autres mondes. Qui nous répètent que ce visible, autour de nous, n'est qu'une hypothèse. Que sous notre ville, d'autres villes nous attendent. De même que les romans d'amour nous apprennent que sous les vêtements palpitent des corps et que là commencent les enchaînements éblouissants des vertiges. Schuiten et Peeters sont les êtres les plus utiles qui soient, des moralistes de la plus haute race. Ils nous convient à l'exigence quotidienne de l'imagination, c'est-à-dire du désir de vivre, encore et encore. Ils nous ordonnent de vivre en poésie. Et leur message a l'efficacité des hypnotiseurs. À peine la première page ouverte, je pars. Ils m'entraînent, je me sens emporté comme par une musique tant leurs histoires et leurs images ont cette souplesse démoniaque des métamorphoses qui n'appartient qu'à la musique. C'est peu dire que je jalouse, infiniment, leur couple. Autre façon de confesser mon affection pour eux. Une affection pleine de gratitude. Erik Orsenna